[Flashback] En plat du jour, nous vous proposons... || PV. Olivia

Cela faisait plusieurs jours que je naviguais sur East Blue en direction de la mer du Sud. Je vivais mon aventure pleinement, néanmoins n'étant pas une sur-femme je me devais de faire des haltes pour me restaurer. Ma bourse était suffisamment pleine pour que je puisse m'offrir un dernier festin, se sera sans le dernier, alors autant en profiter. Je connaissais l'endroit idéal pour justement faire ce repas de roi : la Baratie, ce restaurant est mondialement connu pour trois raisons. La première est que c'est un restaurant qui se trouve sur les flots ; la seconde raison est que l'on sert les meilleurs plats de cette mer et la troisième et dernière raison c'est que l'un de membres de l'équipage du dernier Roi des Pirates a travaillé là-bas.

Mon petit voilier - qui ne comporte que deux places - m'amena à destination. J'amarrais donc à côté de ce navire qui possédait une proie en forme de poisson. Lorsque je montais sur le pont, on me regarda d'un air soupçonneux. Que pouvait bien faire une jeune fille de mon âge ici ? Surtout que j'étais vêtue d'une façon provocante. Le marin qui était aussi cuisinier pensait que j'allais user de mes charmes pour pouvoir manger. D'ailleurs, il s'exclama d'un ton très ferme disant qu'ici on ne payait pas en nature. Je fus un peu choquée, car je ne pensais pas que l'on pouvait aussi mal accueillir les gens. Je montrais donc ma bourse de Berrys à moitié pleine lui faisant comprendre que je pouvais payer ma nourriture. Il s'excusa et me demanda de bien vouloir le suivre. On m'installa à une table près de la porte de sortie.

Je le prenais très mal, car j'avais l'impression que l'on n'attendait qu'une chose : me jeter à l'eau comme une malpropre. On me donna une carte, il y avait un grand nombre de plats, je ne savais pas quoi prendre. Pendant que j'examinais la carte du restaurant, j'entendis une nouvelle fois le cuisinier s'exprimer d'un ton très sec. Me trouvant près de la sortie, je regardais la scène et je vis une jeune femme trempée jusqu'aux os. A voir la façon d'on elle parlait, elle devait être sans sous. J'ai eu un petit pincement au coeur quand je fis son visage, elle avait l'air si fatiguer. Je me suis donc levée de ma chaise et j'ai crié dans la direction des deux protagonistes. « Vous voulez bien venir à ma table mademoiselle, c'est moi qui vous invite ? » Dis-je d'une voix douce.

Je faisais preuve de charité et puis cela m'arrangeait bien, car je n'avais pas envie de manger toute seule. Néanmoins, si la jeune femme accepte mon invitation, je devrais prendre un plus petit plat, car je payais l'addition pour deux. J'affichais un grand sourire pour que la pauvre fille aux cheveux bruns vienne s'asseoir à mes côtés. Cela me faisait plaisir et puis l'idée de rabaisser le caquet du marin une seconde fois me procurait une immense satisfaction étant donné que je déteste les gens qui jugent les autres uniquement sur leurs apparences. La jeune femme accepta mon offre et se dirigea vers moi. J’étais ravie de sa décision et je le montrais sur mon visage avec ce grand sourire radieux qui plaisait tant à ma mère. Je regardais l’inconnue quelques instants avant de me présenter. « Olivia Hood et toi ? » Lui demandais-je toujours avec le sourire.

Ce vieux rabougri me rendait l'existence bien pénible. Nous tergiversions devant le restaurant depuis quelques bonnes minutes. Mais une jeune femme à l'intérieur crut bon de nous interrompre. En fait, elle m'invitait à la rejoindre. Je remerciais ma bonne étoile qui semblait enfin être revenue à mes côtés. Je pleurais presque intérieurement (de joie). On m'offrait un repas ! Hallelujah ! Et un repas décent, de surcroît. Car si j'avais réussi à m'adapter à un train de vie très nettement inférieur à celui que je menais autrefois, je ne pouvais toujours rien manger d'autre que de la haute gastronomie. Alors évidemment, tout mon fric était claqué là-dedans. Et voila en grande partie pourquoi je me retrouvais sans le sou. Gérer mon argent s'avérait donc être un véritable calvaire. Quand j'en possédais, du moins. Bref. Je rejoignais l'aimable personne qui m'avait offert de déjeuner en sa compagnie, faisant totalement abstraction du vieux schnock mécontent. Je retirais ma veste dégoulinante et la posais sur la chaise avant de m'y assoir. Mes cigares étaient complètement foutus. Pourquoi la vie coûtait-elle si chère ? Je me passais une main désespérée sur le visage, non seulement pour me rendre plus présentable, mais et surtout parce que j'étais réellement désespérée.

Je reportais par la suite mon attention sur ma bienfaitrice du jour. Elle souriait. Me souriait. Chaleureusement même. Ça me détendait, bizarrement. Alors je ne pus m'empêcher de sourire en retour. Pas par politesse, non, juste parce que j'en avais envie. Oui oui, ça m'arrivait, rarement, mais ça m'arrivait. Après quelques instants de silence, ma partenaire de table se présenta. Olivia Wood donc... « Katherine... Clive. Ravie de faire votre connaissance. » Je semblais hésitante sur la seconde partie de ma dénomination. Depuis quelques temps, je ne savais plus trop si je devais fournir mon véritable nom de famille. Après tout, j'avais été rayée du testament. Et puis, les dragons célestes n'étaient pas exactement des êtres adorés du petit peuple. Sans compter qu'il y avait également cette stupide et persistante manie de vouvoyer qui semblait vouloir me mener la vie dure. « Et merci beaucoup pour l'invitation. Je vous rembourserai dès que j'en aurais les moyens. » Dis-je toujours souriante et remplie d'une conviction particulièrement glauque à mes yeux (que je ne me connaissais pas moi-même). Le tout était de savoir quand en fait. Je promettais des trucs vraiment absurdes des fois, mais je n'aimais pas devoir quelque chose à quelqu'un. L'orgueil, quel vilain défaut Katherine ! J'étais certaine que mon amour-propre me tuerait un jour. Probablement pas d'une mort très agréable d'ailleurs.

Je chassais l'ensemble de ces macabres pensées et me saisis gracieusement de la carte que tendait le serveur. Scrutant les noms des plats, je prêtais pareillement une grande attention aux prix. Ce n'était pas mon fric, il fallait que j'en prenne compte dans le choix de mon mets. La partie bénéfique de mon petit cerveau chétif me criait de ne pas trop exagérer, la partie maléfique, elle, me gueulait de profiter de la situation. Gosh. Je devais vraiment être pitoyable là. Trempée, en débardeur plutôt crade, les cheveux dans tous les sens et surtout quasiment entrain de mendier. La seule nuance, c'était qu'on m'avait invité à le faire. Il ne manquait plus qu'on me le fasse remarquer pour que je m'en prenne une bonne dans la tronche (figurativement parlant, certes). Un éternuement vint néanmoins perturber ma paisible lecture. Sûrement que j'attrapais froid. Rien de grave. Bah oui, j'adorais tomber malade, c'était d'une évidence ! Okey, je devais définitivement stopper les sarcasmes. C'était nocif pour ma personne. Particulièrement lorsqu'en parallèle, j'affichais un rire aussi nerveux contre ma volonté et que, de surcroît, j'avais quelqu'un d'assis juste devant moi. Eh bien... Je n'avais plus qu'à prendre une bonne soupe.

Mais je n'eus pas le temps de commander cette soupe, car un fracas se fit entendre dans mon dos, envoyant, au passage, mes mèches valser ici et là. Sûrement qu'on avait dû exploser la porte. Ou qu'on l'avait poussé très fortement. Très très fortement. Je n'en savais trop rien, les yeux toujours rivés de l'autre côté. En fait je n'avais même pas envie de savoir ce que c'était. Je voulais simplement passer le reste de la journée tranquille. Était-ce trop demandé ? Je me fracassais la tête contre la table dans un ultime élan de désespoir. « Quelle journée de merde ! » M'énonçais-je à haute voix sans réellement m'en rendre compte. La phrase raisonna dans le silence de plomb qui venait tout juste de s'installer. Je ne me rendis d'ailleurs compte de ma bourde que lorsqu'une main de gorille me saisit par l'arrière du T-shirt.

J'étais face à mon invitée, elle était radieuse et cela se voyait sur son visage. Elle affichait un joli sourire. J'étais contente de ma bonne action, le fait de voir du bonheur dans le visage d'autrui me donne du baume au cœur. Je me suis présentée à elle et cette dernière en fit de même. Elle s'appelait Katherine, un joli prénom que j'affectionne beaucoup. La belle brune était ravie de notre rencontre et elle m'annonça qu'elle me remboursera quand elle le pourra. Je la regardais droit dans les yeux et je lui dis qu'elle pouvait me tutoyer lors de ce repas. Pour ce qui était du remboursement, je m'en fichais. Je n'étais pas à un repas près. Cela me faisait plaisir de lui offrir. Après si on se revoit plus tard et qu'elle souhaite me rendre l'appareil, j'accepterai avec joie son invitation. Néanmoins, je ne mentionnais pas cette partie, ne voulant pas parler d'argent à table.

Il n'y a rien de plus vénale que de parler de sous lors d'un repas. J'aime quand il y a de la joie et de la bonne humeur dans un repas. Avant que ma famille n'explose, les repas étaient toujours placés sous une ambiance chaleureuse et conviviale, j'adorais ces moments et puis ma mère était un vrai cordon bleu. Qu'est-ce qu'elle me manque ma mère ? Pourquoi la maladie l'a-t-elle emporté ? J'ai déjà perdu mon père à la naissance. La vie ne me sourit pas tout le temps. Enfin bon, je chassais ses idées noires lorsque le serveur lui tendit la carte. J'affichais toujours mon sourire le plus charmeur. « Tu peux prendre ce que tu veux, tu as l'air épuisé et affamé. » Lui dis-je d'une voix douce. J'avais envie qu'elle reprenne des forces. Le voyage qu'elle a dû effectuer n'a pas dû être de tout repos. D'ailleurs pourquoi est-elle trempée comme ça ?

Il faudra qu'elle me donne une réponse à cette interrogation. La jeune demoiselle trempée jusqu'aux os lisait la carte que l'on venait de lui donner. Elle ne disait rien et je ne disais rien. J'attendais qu'elle fasse son choix, chose qui n'arriva pas malheureusement. En effet, un terrible brouhaha surgit dans le restaurant. Je n'ai pas eu le temps de comprendre ce qui se passait, que je vis une main empoignée l'épaule de mon invitée. J'étais sous le choc et j'allais le faire savoir. Je me suis levée d'un bond telle une lionne folle de rage. Il y a deux choses que je déteste dans la vie, la première c'est que l'on touche à mes cheveux et la seconde c'est que l'on interrompt mon repas. « Non mais oh, t'es qui toi ? » Criais-je comme si j'étais une hystérique. J'étais rouge comme une tomate prête à en venir aux mains si l'individu ne lâchait pas Katherine. Je ne la connaissais que depuis quelques minutes que je me suis déjà prise d'affection pour elle.

J'avais l'air épuisée et affamée ? A ce point là ? Une image de gamine camée jonchant dans une ruelle sordide me traversa un instant l'esprit. Non... Pas jusque là quand même. « Autant que ça ? Pour tout vo... Te dire, mon voyage a été plutôt pénible et s'est terminé en beauté par une petite séance de natation. » Joliment dit Katherine. Je me félicitais intérieurement de ma pseudo répartie et m'apprêtais à commander ma soupe, lorsque la porte explosa en un puissant fracas. Je jurais à haute voix, maudissant ma malchance, et posais ma tête sur la table jusqu'à ce qu'une main de gorille vienne me saisir par l'arrière. Il n'avait pas eu le moindre mal pour me hisser à quelques centimètres du sol. Le nuage de poussières provoqué se dissipa progressivement. Je tournais finalement la tête pour pouvoir scanner mon agresseur de ma paire de mirettes rouge sang. Balafré, extrêmement grand, chauve, vêtu de loques puantes, ... L'image même du type bête comme ses pieds qui pensait avec ses muscles et non son cerveau. Je roulais des yeux tandis qu'un rictus s'installait sur ma face. Je soupirais d'exaspération.

Olivia ne traina pas pour réagir et se leva en trombe. Elle semblait être en colère. Son attitude actuelle contrastait beaucoup avec celle qu'elle avait adopté plus tôt en ma présence. Je me sentais plutôt flattée, pour le coup. Mais, l'heure n'était pas ce genre de réflexions, je n'avais pas le temps de m'attarder sur ces détails. Il fallait effectivement que je me sorte de la poigne d'acier de mon assaillant. Et un « Non mais oh, t'es qui toi ? » plus tard, je sortais vélocement un scalpel de la poche avant de mon pantalon et l'assenait au pif dans le corps du colosse. Je n'étais pas dans la meilleure position qui soit pour faire ça, mais ce fut apparemment suffisant pour qu'il lâche sa prise. Par ailleurs, je me bénissais de ne pas avoir rangé l'ensemble de mon matériel médical dans ma veste, restée sur la chaise désormais à terre, renversée plus tôt lorsqu'il m'avait empoigné. Tombée sur les fesses, je m'éloignais précautionneusement de la brute jusqu'à ce que je ne bute sur quelqu'un. Je relevais la tête. Tiens, le vieux schnock de l'entrée. Il devait être vachement en rogne contre le saccageur du restaurant.

Il me somma de dégager de son chemin, et je ne me fis pas prier pour m'écarter docilement. J'en avais également profité pour me remettre sur les deux pieds. Je ne souhaitais pas m'attirer d'ennuis et encore moins mourir à (presque) dix-sept années d'existence. Aussi restais-je à l'écart, profitant de leur bataille de regard pour tenter de me faufiler jusqu'à Olivia. Les cuistots commencèrent également à sortir des cuisines pour pointer des flingues sur l'homme balafré et ses compères, qui venaient tout juste de se ramener. Eh bien ! Le baratie méritait sa réputation. Ses coqs ne semblaient absolument pas avoir peur de la bagarre. Pas étonnant qu'un des membres de l'équipage au chapeau de paille vienne du coin. Les coups de feux débutèrent finalement lorsque le colosse dégaina une arme à feu. Un homme en smoking profita de la pagaille générale pour m'empoigner par le bras. Décidément, c'était ma journée... Tout bien considéré, j'aurais peut-être dû prendre les cours de self-défense proposé par mon paternel.

« Qu'est-ce que vous me voulez bordel ? » Crachais-je au pingouin. « Aí Katherinê Vi Chrysēída, votre frère nous a chargé de vous ramener. De gré, ou de for... » Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Il venait de se faire assommer. Trop déboussolée par ce qu'il avait dit, je ne pris la peine ni de remercier, ni même de regarder la personne qui était venue à mon secours. Mon frère m'avait retrouvée. LE frère qui était parti de la demeure familiale pour s'engager sur la voie de la piraterie. J'avais huit ans quand l'évènement s'était passé. Je le détestais. Le détestais-je réellement ? Il ne pouvait pas simplement réapparaitre de la sorte en espérant que je lui tombe dans les bras. Et ces phrases résonnaient dans mon esprit comme un éternel refrain, me laissant tétanisée sur place. J'avais réllement peur de ce qui allait advenir de ma personne pour la première fois de mon existence. En tous les cas, j'étais au moins certaine d'une chose : je ne voulais absolument pas me retrouver sous le joug de mon ainé. Je ne désirait pas revivre mon enfance de merde en boucle. Et si j'avais voulu être enfermée par quelqu'un, je n'aurais pas eu la merveilleuse idée de fuguer. Il devait le comprendre, lui qui était parti pour quêter la liberté.